ITW Gonzai magasine – Cyberpunk

Tu as commencé à travailler sur le corps, l’identité et l’idée de mutation dès les années 90. As-tu pensé dès le départ qu’utiliser l’héritage de la science-fiction était le meilleur moyen de se réapproprier son corps ?

les choses ne se sont pas vraiment passées dans cet ordre là. la démarche à l’origine était purement instinctive. je n’avais pas d’intention, la démarche n’était pas intellectualisée lorsque j’ai commencé. j’ai juste pressenti que je mettais le doigt sur quelque chose d’intéressant, et j’ai avancé sans trop me poser de questions en fonction de mes besoins d’évolution personnelle, de mes envies et des possibles. mes influences sont apparues ensuite. j’ai baigné dans un univers pop culture. Mon imaginaire était nourri par K.dick, les univers que Jodorowski développait dans la bande dessiné, les films de Cronenberg et bien sûr Ranxerox. tout par de là effectivement.  

Quand tu as entamé ta métamorphose et ta réflexion, t’es-tu tout de suite senti plus proche du mouvement cyberpunk que de la philosophie des primitifs modernes emmenés par Fakir Musafar, et pour quelles raisons ? 

j’ai tout de suite été dans un travail prospectif de par mes influences, cette envie que j’avais d’une véritable mutation et, à l’époque si je l’avais pu, d’hybridation. je n’ai découvert que plus tard le mouvement moderne primitif et le travail de Fakir, mais je connaissais déjà le travail de Stelarc car je viens plutôt de l’art contemporain. j’ai évidement beaucoup de respect pour Fakir et sa recherche personnelle, mais il y avait philosophiquement quelques chose qui ne collait pas pour moi dans le mouvement qu’il a fait naître. déjà d’une part dans ce que je pourrais appeler l’appropriation culturelle -pourquoi ne pas créer nos propres rituels et des signes basés sur notre culture plutôt que de copier ceux appartenant à d’autres en les vidant inévitablement au passage de leur sens premier- et également dans le fait d’utiliser comme une espèce de béquille, comme moyen de justifier socialement la démarche, de la faire valider par une pratique similaire ancestrale. comme si l’envie que l’on avait, ce que j’appelais à l’époque notre libre arbitre -avant de remettre cette notion sérieusement en question- ne suffisait pas. Mais pour moi de revendiquer un “label” Cyberpunk que l’on me collait dessus quelque part participait de la même chose. s’il est clair que je ne peux nier mes influences, elles n’étaient que cela et pas ce que j’étais et m’enfermaient aussi dans tout un tas de clichés. la singularité de ma démarche et des questions, humaines, politiques et sociales qu’elles soulevaient m’a rapidement poussé à créer mon propre mouvement, le Body Hacktivism, afin de définir les bases et de voir les lignes de réflexions qu’y en sortaient. 

Tu es un des pères fondateurs des bodmods modernes, qui se sont aujourd’hui largement démocratisées. T’intéressent-elles toujours autant qu’auparavant ? As-tu pu expérimenter tout ce que tu désirais faire dans ce domaine ? Dans les années 2000, il y a eu une sorte de surenchère de procédures plus extrêmes les unes que les autres. Penses-tu que nous sommes maintenant arrivés au bout ?

ça fait longtemps que le milieu de la modification corporelle est arrivé au bout, ou plutôt devrais je dire c’est perdu. pour moi le malaise a commencé dès 2006-7 quand ce qui était à la base une communauté s’est transformée en une industrie. je participais quelque part à quelque chose dans lequel je ne me retrouvais pas et au milieu de choses qui n’étaient à mes yeux pas défendables. il y a eu trois facteurs majeurs. d’un coté la démocratisation a amené à une forme de compétition qui reprenait les travers sociaux desquels je pensais pouvoir, à travers ce travail, échapper, puis une forme de normalisation, et enfin une peur qui a bloqué toute forme d’expérimentation – et donc de recherche/de créativité aussi -, ce qui était quand même un peu la base. et puis beaucoup suivait BME Zine, le site de Shannon Larratt, comme la bible, amenant cette fameuse surenchère qui selon moi poussait beaucoup de monde dans la mauvaise direction. je me suis rapidement retrouvé en porte à faux avec la “communauté” dans laquelle je ne me retrouvais plus, que je remettais en cause, dont je ne respectais pas les règles et que je mettais, par mes actes et par mon mode de pensée en danger. c’est cette communauté qui est arrivée au bout, mais pas les possibilités que le travail sur le corps permet d’explorer au niveau personnel et social. il convient à mon sens de parler de Body Hacking pour définir les nouvelles démarches qui se détachent de pratiques de modification corporelle telles qu’on les connait. mais il n’y a rien à dénigrer. ces pratiques ont permis, en ouvrant la chair, d’ouvrir de nouvelles portes et de sortir du champ purement médical les pratiques corporelles.

j’ai pris mes distances dès 2008 et me suis retrouvé en parti banni par les élites du milieu suite à mes prises de position. l’interview que j’ai faite de Shannon Larratt en 2009 (https://lukaszpira.wordpress.com/tag/shannon-larratt/) a fini d’achever le processus. il venait de perdre son site suite à un hacking (de sa femme et son équipe) et se retrouvait roi sans royaume. mes questions piquent mais ses réponses sont sincères et profondes et mettent mal à l’aise. c’était la douche froide. pour moi tout cela m’a permis de couper le cordon et de revenir sur un vrai processus créatif… et le début de ma plus longue transition. la plus douloureuse aussi. 

mais le corps reste un de mes champs d’exploration. j’ai fait grâce à mon travail plus que je ne l’aurais imaginé mais pas tout ce que je perçois de possible. on passe maintenant sur un autre niveau de jeux… et sur d’autres enjeux.  

Prothèses, implants, pacemakers, organes artificiels… Ce qui était hier une utopie SF prend désormais peu à peu pied dans la réalité. Mais le transhumanisme ne fait pas l’unanimité : une partie de la communauté scientifique y voit de l’eugénisme, l’écrivain Alain Damasio, « une impasse totale »… Pour toi qui as théorisé le body hacktivisme et es pionnier du biohacking, l’avènement de l’homme-machine est-il toujours souhaitable à tes yeux ? Est-ce un leurre, est-ce une idée obsolète ?

l’hybridation n’aura pas lieu. mais ce n’est pas une impasse totale. juste pas la solution ultime. nous sommes à n’en pas douter à une époque transitoire pour l’humanité et nous verrons apparaître des êtres hybrides, des cyborgs. mais uniquement car il n’y aura pas d’autres choix possibles pour certain, que ce soit pour améliorer une déficience ou réparer ce qui n’est plus organiquement réparable. les prothèses sont les béquilles du futur dont s’appareilleront ceux qui en auront les moyens. on verra aussi je pense des athlètes se tourner vers ce qui deviendra inévitablement plus performant que le corps humain – ça ne m’étonnerait pas que certains d’entre eux se fassent sauter les rotules pour avoir des prothèses performantes de la même façon que l’on assiste au dopage extrême. dans la même logique on pourrait envisager des applications militaires, et encore. le problème que personne n’avait perçu à la base réside dans la fragilité des amplifications technologiques, leur manque de fiabilité et leur rapide obsolescence. car c’est bien de cela qu’on parle. Stelarc définissait dès les années 80 la trajectoire qui se traçait, que beaucoup ont suivi; Obsolete Body. Et pourtant. Il est aussi évidement que comprendre maintenant que la machine fait autant parti de la solution que du problème et qu’elle ne surpasse le corps que dans certain domaines. Elle lui est complémentaire, mais ne le remplace pas. Les technologie évoluerons  certes de plus en plus et de plus en plus vite, mais le problème réside justement en grande parties dans ce “de plus en plus”. l’évolution technologique est proportionnelle à la vitesse à laquelle elle devient obsolète rendant absurde son intégration au corps humain s’il n’y a pas une nécessité absolue. Qu’il y a les problèmes de software qui demande une énorme maintenance -il n’y a qu’à avoir un “smart” phone ou un ordinateur pour s’en rendre compte. il y aussi le problèmes de l’invasion qu’un système d’exploitation dirigé selon des intérêts d’une troisième partie peut générer, la manipulation, le hacking etc. et puis il y a les réactions biologiques, la douleur et tout un tas de barrières physiques et psychologiques. je penche plus pour quelque chose près de l’exosquelette, un appareillage “sur soi” plutôt que “en soi” avec un lien plus léger vers notre système biologique, probablement sous la forme de connectiques. mais le champ -des possibles- reste large. quant à une implantation complète de ce que nous sommes à l’intérieur d’une machine … il n’y a qu’à regarder “Ghost in the Shell” (le film et la série animée), ou de lire “le Moi-Cyborg” pour en percevoir les problèmes psychologiques et philosophique que cela met en évidence, à commencer par arriver à définir ce qu’est le “moi”. 

Quand tu as commencé à travailler sur ces questions de biohacking, remettant en cause les normes établies, j’imagine que tu étais assez isolé, surtout en France. Avais-tu du mal à faire comprendre ta démarche ? Les gens percevaient-ils l’aspect artistique ou te prenait-on pour un freak, ou une sorte de savant fou qui jouait avec le feu ?

Arnaud Labelle Rojoux a dit début 2000 à propos de mon travail sur le corps qu’il faisait descendre l’art dans la vie sociale. donc oui, j’étais pour le moins isolé et en confrontation avec une société dont je remettais en question les normes. j’avais, et j’ai dans une certaine mesure toujours, du mal a faire comprendre ma démarche.

rapidement les médias se sont intéressés à la démarche, mais pas pour les bonnes raisons. ce qu’ils voulaient c’était le côté spectaculaire, j’étais le freak de service. ils se sont jetés sur moi avec tout un tas de questions et énormément de critiques. on me mettait en face des psys pour prouver que j’étais malade et des docteurs pour dire que j’étais dangereux. j’ai eu besoin de comprendre et d’étayer ma démarche et mon travail. en 2000, Avignon, “ma ville” (?) a été nommée “capitale culturelle de l’an 2000” avec pour thème “le corps”. j’étais sous les flashs donc approché pour l’événement. j’ai proposé de faire une série de performances et d’organiser des rencontres et des débats autour du corps modifié. je voulais parler des problèmes sociologiques, juridiques etc. le dossier a été classé sans suite. j’ai donc loué un lieu  et organisé l’événement en “off”. ART-KØR-00. j’ai fait venir, entre autres, le sociologue Philippe Liotard, l’anthropologue David le Breton, Jean Pierre Baud qui avait écrit “l’Affaire de la main volée, Maxence Grugier qui faisait à l’époque le magazine “Cyberzone” et qui fut le premier à écrire une article intéressant sur mon travail, Yann Minh etc. j’ai détourné Stelarc de l’événement officiel et l’ai eu en conférence sur l’événement. mais on était 10, 15 peut être dans le public. donc oui, je me sentais isolé. mais Philippe, David, Stelarc, Maxence et Yann entre autres, sont restés des proches. j’ai également rencontré en route le philosophe Bernard Andrieu. ils ont eu, eux, l’intelligence de comprendre mon travail -et de m’aider à en comprendre les implications moi-même. depuis, même si le grand public et une large partie des médias -à qui je ne parle même plus- me prend toujours pour un freak, beaucoup de choses sont sorties de ces rencontres. le Moi-Cyborg de Frédéric Tordo est pour moi un aboutissement de tout cela -déjà de par le fait que notre connexion s’est faite grâce à Yann- mais aussi le début d’une nouvelle aire dans la perception de mon travail. je ne peux qu’en être reconnaissant à Frédéric qui, à travers son livre donne une nouvelle grille de lecture et légitimité à mon travail en dehors des champs de recherche anthropologique et/ou sociale pure. mais j’ai pris un risque énorme avec lui. je me suis livré comme jamais, en sachant très bien comment les psychanalyste on toujours été extrêmement critique envers moi. il est tombé sur moi au parfait moment, en sortie de “chrysalide”. mais c’était également le moment où j’étais le plus vulnérable. le plus ouvert aussi. un rapport de confiance et de respect s’est imposé. on a échangé pendant des mois. le livre est accessible tout en étant très pointu. à partir de là, s’il y en a qui ne comprennent pas, je ne peux rien faire pour eux. ça ne m’a jamais empêché d’avancer. mais ça m’a retardé c’est sûr. je veux maintenant rattraper ce temps relatif. car je l’ai aussi utilisé pour mûrir ma démarche.    

Tu es un pionnier dans le domaine des implants, tu as eu un implant RFID et tu as créé les implants transcutanés M.A.T.S.I. (multi application titanium skin interface). Où en es-tu de tes recherches dans ce domaine ? Es-tu toujours implanté ? Quelles sont les applications possibles ?

j’ai toujours une puce RFID dans la main. c’est une interface de connexion avec la machine à laquelle tu envoies une information. les applications sont multiples mais en gros ça sert de clé. démarrer une voiture ou ouvrir une porte sont de simples exemples. je m’en suis servi de façon anecdotique au début mais en dehors du côté “cool” je n’ai pas été emballé par le truc. à peu près à la même époque, 2008-9 j’ai commencé à développer M.A.T.S.I autour du paradoxe lié a l’obsolescence technologique. M.A.T.S.I est une proposition. si l’implantation d’un objet technologique est une mauvaise idée -basée sur de bonnes intentions- la solution réside peut être dans le remplacement de certaines surfaces de peau par des matériaux bio compatibles sur lesquels viendraient se poser les objets. ces nouvelles surfaces pourraient servir dans un premier temps de simple réceptacle, mais par la suite servir d’interface en les connectant par exemple au système nerveux. j’ai donc créé des petites cuves en titane que je me suis implanté dans le bras. des “Pod” pour faire la référence à Cronenberg.

j’ai enlevé l’implant au bout de 6 mois pour passer à quelque chose de plus gros, la première version étant pour moi un simple test. mais je n’ai pas trouvé les fonds pour pousser plus loin. il y a aussi quelques petites choses intéressantes à developper mais qui n’ont pas d’applications précises, parce quelles sont purement esthétiques ou “juste” conceptuelles. 

j’ai aussi développé vers la même époque un implant d’une “oyster card” pour un projet de l’artiste Australienne Empress Stah. j’ai fait virer le plastique par un hacker russe  et on a encapsulé les éléments qui nous intéressaient dans une poche de silicone bio compatible. Stah a finalement abandonné le projet. la pièce dort dans mes archives. 

Aujourd’hui, tout le monde a les yeux rivés sur le corps (et le corps augmenté), qui fait l’objet d’enjeux financiers qui nous dépassent. L’utopie SF d’hier s’est-elle transformée en business ? Penses-tu que le transhumanisme tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, serve le capitalisme et l’ultra-compétitivité avant tout ?

toutes les utopies se transforment en business. les enjeux financier liés aux nouvelles technologies sont incommensurables. le nouvel El Dorado. et ça passe par le corps. même si cela ne passera pas par une implantation, cela se passera au plus près de nous afin d’être finalement complètement intégré. elle se portera comme un vêtement, un bijou, des orthèses, par la peau. les recherches partent dans tous les sens. les attentes sont énormes. non seulement en terme d’amplification de nos sens, connaissances et capacités, mais aussi en terme d’extension de l’espérance de vie ou en tout cas à rester le plus efficace le plus longtemps possible -amélioration par exemple de la vue, de l’ouïe mais aussi du sommeil et des capacités cérébrales etc. le concept tel qu’il se présente n’est pas vraiment pensé pour faire de l’humanitaire. quand tu vois déjà le prix d’un iPhone ça te donne une base de ce que ça peut donner comme enjeux surtout si tu le multiplies par le coefficient des implications médicales   

Penses-tu que nous vivons actuellement dans un « cauchemar cyberpunk » plein d’enceintes-espionnes Alexa, ou qu’au contraire, la techno-révolution que nous attendions au tournant du IIIe millénaire, avec les voitures volantes, la vraie IA et les gadgets à la Philip K. Dick, n’a jamais eu lieu ?

quand les tours jumelles sont tombées en 2001, on m’a posé la question de ce que je pensais de ce qui venait de se passer. j’ai répondu “le cauchemar Cyberpunk vient de commencer”. et c’est le cas. pour moi c’est le point 0. l’attaque a servi à imposer tout un tas de lois liberticides qui ont permis d’arriver à l’invasion dans nos vies privées (celles de certain pays également), et à la censure de l’internet et d’à peu près tout, a permis la monté de divers politiques extrémistes, nous plonger dans le conservatisme etc. le crash de 2009 a permis d’appauvrir les populations qui en étaient à la limite, de supprimer les classes moyennes et de voir l’arrivée des mega fortunes. les réseaux sociaux sont devenus un leurre de liberté d’expression et nous a transformé à la fois en produit et en masse malléable et dirigeable en fonction de simples algorithmes. on est loin des utopies d’une certaine science fiction ou des espoirs que nous avions mis dans le futur. 

ceci dit, on vit une époque de tous les possibles aussi. beaucoup de gens cherchent des alternatives. les cryptocurrencies sont des propositions intéressantes. le darknet aussi, mais il a été diabolisé afin de le discréditer. le BITCOIN  et autres font encore peur. c’est à travers la peur que nous sommes manipulables le plus facilement. regarde l’époque dans laquelle on vit, l’ambiance générale et tu vois de suite qu’il suffit d’un rien pour nous faire aller à droite à gauche comme un troupeau ou de s’entretuer comme des barbares. le média aujourd’hui n’est plus le journal de 20 heures, c’est notre feed Facebook. combien de % des “connectés” vont veritablement sur le net en dehors des réseaux sociaux. nous n’avons jamais eu autant accès à l’information et pourtant nous n’avons jamais été si mal informé, quand nous ne sommes pas directement désinformé.  

Tu as fait cette réflexion amusante (Le Moi-Cyborg, Psychanalyse et neurosciences de l’homme connecté, Frédéric Tordo) : « Si j’avais fait ce que je désirais faire il y a dix ans, je serais aujourd’hui une sorte de cyborg low-tech. » Le vrai problème dans le fantasme de l’hybridation homme-machine, c’est paradoxalement que c’est la technologie qui devient rapidement obsolète, et pas l’humain ?

aussi amusante que soit la réflexion, elle est juste. et puis imagine le truc en mode “Apple”. à chaque fois que je voudrais faire quelque chose, j’aurais un pop up me demandant de mettre à jour le logiciel de tel ou tel élément, me disant que ce n’est pas possible parce que le système d’exploitation ne le permet pas et je ne pourrais pas faire la mise à jour de mon système d’exploitation parce que le hardware ne le permet pas. tout ça soigneusement planifié comme c’est le cas pour ton iPhone afin que tu en changes tous les 6 mois. imagine que j’ai eu les moyens de faire tout un tas d’hybridation made in 2000 et que mon compte en banque soit vide. je peux même plus aller pisser à moins de prendre un crédit sur 50 ans pour payer le changement de mes appareillages qui me sera avancé par la marque qui m’appareille et me lie par contrat avec elle pour le reste de ma vie comme tu l’es maintenant avec Bouygues, SFR ou autres pour la durée de tes envies de smartphones dernière génération. 

Vingt ans après Matrix, la culture cyberpunk est désormais entré de plain-pied dans le mainstream (le film Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve, le jeu vidéo « le plus attendu au monde » Cyberpunk 2077, les groupes de musique comme Perturbator, etc.). La contre-culture d’hier est devenue la culture de masse d’aujourd’hui. Pourquoi selon toi cette popularité sans précédent du cyberpunk à l’heure actuelle ? Les choses sont-elles cycliques, ou vit-on une époque particulièrement anxiogène et pessimiste… ?

 20 ans déjà ? comme quoi le futur ne prend pas une ride. parlons pop culture. les Wakovsky ont tout dit dans le premier Matrix, Masamune Shirow (et Mamuro Oshii dans son interprétation du manga pour le film d’animation) dans Ghost in the Shell, George Orwell avec 1984, William Gibson avec Neuromancer (déjà en 1984 !) posait les bases en inventant The Matrix et en posant les bases de l’univers dystopique qui se dessine devant nous. son livre se passe dans 100 ans. pas besoin de déchiffrer Nostradamus pour connaître le futur. pendant que tous les pseudos spécialistes se plantaient, les allumés des contre-cultures écrivaient et décrivaient déjà un futur qui leur donne enfin raison. pas étonnent que leur cote monte… et la mienne au passage. 

Sur quoi travailles-tu en ce moment ? Peux-tu nous dire un mot du Charnel Movement ?

comme toujours sur plusieurs choses en même temps. en 2011 je suis parti avec ma fille Mayliss, avec qui je voyage depuis début 2000 lorsqu’elle avait 5/6 ans, pour un voyage de 2 mois à travers les états unis durant lequel nous avons commencé un projet trans-médias, The Chaøs Chrønicles. nous avons sorti en 2014 une série de courts métrages pour ARTE Créative qui nous a lâché depuis, mais nous continuons à empiler les datas en attendant de pouvoir développer le projet tel qu’on l’imagine. depuis août je bosse en photo sur The 4th Life – ANIMA MUNDI, un journal photographique. le projet est né d’une expérience Shamanique durant laquelle j’en ai eu la vision. Ce sont des photos en noir et blanc que je prends, sans regarder ce que je shoot. comme pour attraper des bouts de mémoire, par nature imprécise, des pièces du puzzle d’une vie dont je perdrais le contrôle et d’une nouvelle que je construis au fur et à mesure que j’en découvre les éléments. le projet n’est pas du tout lié avec mon travail sur le corps, et pourtant il est intrinsèquement lié à ma dernière “métamorphose” si je puis dire (ce serait long à expliquer). 

je bosse aussi sur la nouvelle version de ma performance corps connecté Danse NeurAle. il s’agit d’une performance en bio-feedback durant laquelle je soumets mon corps à une mise à l’épreuve ritualisée durant laquelle on capte tout un tas de données allant des ondes cérébrales à la température du corps pour faire vivre l’expérience au spectateur de façon purement organique, perceptible mais pas directement intellectualisable. j’ai fait la première version en 2011 (juste pour toi en info, la vidéo a été présenté au musée d’art moderne de la ville de paris durant l’exposition Médusa en 2017) avec les hackers Italiens de Spectre mais je cherchais depuis 2013 à la pousser plus loin. il me fallait une team pouvant bosser dessus, les moyens de la développer que je n’avais pas et il n’existait aucune structure qui m’aurait accueilli. J’ai en avril dernier rencontré David Chanel de Theoriz à New York. on se connaissait depuis longtemps par Maxence Grugier qui est un ami commun et qui travaille autour des arts numériques mais sans jamais avoir eu la chance de se croiser. on a sympathisé et on s’est revu à Tokyo en Janvier. nous n’avions pas évoqué de collaboration à la base, mais au fur et à mesure de nos conversations il était devenu clair que nous partagions les mêmes univers et les mêmes influences. quand le Moi-Cyborg est sorti, j’ai senti que c’était le moment de faire Danse NeurAle. je me suis naturellement tourné vers Theoriz qui m’a donné un accord de principe en mode « yes, on peut faire un pur truc ».

CHAЯNEL… quand j’ai commencé à bosser sérieusement sur des projets qui n’avaient rien à voir avec la modification corporelle et que je me détachais du milieu je me suis rendu compte à quel point j’étais prisonnier de l’image que projetait dans l’imaginaire commun l’entité “Lukas Zpira” que j’avais créée. une grosse partie du public a pensé et pense encore -parce que du coup ils n’ont pas regardé- que les Chroniques étaient sur des trucs extrêmes et des freaks. pareil pour les algorithmes. Sur Google, tu tapes mon nom et ça vas te sortir des vieux dossiers qui n’ont rien à voir avec ce que je fais. et puis le public attend aussi de toi ce que tu représentes pour eux. alors quand tu fais du Spoken Word érotique, il comprend pas vraiment. tu restes coincé dans ces algorithmes personnels. il bug. il fallait que je trouve un moyen de sortir de ça. parallèlement, Tarik Noui, un de mes meilleurs amis, a commencé à faire des boulots qu’il mettait en ligne sans les signer. l’idée était géniale. on s’est réunis a Berlin en mode War Room avec Otomo (Didir Manuel) durant une semaine pendant laquelle on a écrit un manifeste et créé le mouvement CHAЯNEL. j’avais déjà le nom et le logo dans un tiroir depuis longtemps sans savoir quoi en faire. j’ai réalisé les portraits et on a commencé à approcher une paire d’artistes. à partir de là, tout ce qu’on sort hors de nos champs d’exploration “naturels” sort sous le label du mouvement sans être signé par l’artiste. de cette manière l’oeuvre est jugée pour ce qu’elle est et non plus à travers le prisme a travers lequel on juge son auteur. ça nous a permis de sortir entre autres “Fear Fall Størytelling” et “Lisa Sumlasky” -initié par Mayliss-, qui s’est métamorphosé en ANIMA MUNDI lorsque j’en ai eu besoin. C’est l’histoire d’un voyage qui s’est transformé en exil et qui se clôturera le 23 août par une exposition et une performance dans mon atelier à Avignon. là, je suis en plein dedans.

Gonzai – 2019

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